Stop aux abus dans l'Eglise
Un peu partout, on dénonce toute sorte d’abus: publicitaires, droits humains, torture des animaux… et nous? Qu’en est-il des abus dans l’église, au sein du corps de Christ?
Ce Corps qui, appelée à être une épouse pure et sans tache, devra un jour se présenter devant le Dieu de justice et rendre des comptes pour avoir parfois abusé, humilié et écrasé ses propres membres. Par sa lourdeur institutionnelle et hiérarchique, il lui est parfois facile de passer la balle plus loin, de cacher ses failles et ses péchés derrière une arrogance irréfléchie et un aveuglement volontaire, se dissimulant même derrière le voile du «pardon et de la grâce de Dieu». Les situations dramatiques au cours desquelles des jeunes se font abuser par des personnes en position d’autorité dans l’église, devraient nous convaincre et nous contraindre d'agir, pour dénoncer, discipliner et agir dans un premier temps. Écouter, guérir et restaurer dans un second temps.
Il me semble que le mécanisme d’abus dans l’Église suit un processus en plusieurs étapes:
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Le premier abus: il y a violation de l’intégrité physique ou psychique d’une personne.
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La victime reste dans le silence, car elle est choquée, parfois pliée sous le poids de la honte et de la culpabilité; elle essaie de gérer le traumatisme vécu comme elle peut.
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La personne lésée, y voyant plus clair et après s’être quelque peu fortifiée, se plaint d’avoir été maltraitée.
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L’abuseur, ou pire les «protecteurs» de l’abuseur, autrement dit ceux qui pourraient agir en confrontant l’abuseur ou en le sanctionnant, n’écoutent pas et ne reconnaissent pas le tort causé. D’où un deuxième abus, celui du silence, qui peut être encore plus pénible à digérer pour la victime, car non seulement il y a non-reconnaissance du premier abus, mais il s’y ajoute un laisser-faire coupable. A tort, l’église choisit le plus souvent de ne pas gérer la situation ou la dénoncer. Abus psychique.
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La victime se sent de nouveau écrasée, humiliée et tente de crier sa colère et sa frustration face à cette nouvelle injustice.
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Les protecteurs de l’abuseur vont ensuite culpabiliser la victime en lui disant qu’elle est fautive, car elle est «amère et en colère»; ils vont essayer de l’intimider en lui disant qu’elle devrait «pardonner, oublier et continuer sa vie, car Jésus fait grâce aux pécheurs». Et voilà le troisième abus, spirituel celui-là.
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La victime, se sentant méprisée et blâmée, devient plus hystérique et le cercle infernal continue… Elle est maintenant accusée d’être instable et déséquilibrée ou, pire, insoumise aux lois de Dieu et incapable de pardonner.
Comment sortir de ce dilemme? La Bible me paraît claire. Quand un membre de l’église pèche, il faut aller lui parler; s’il n’écoute pas, nous y retournons avec un ou deux témoins et, si rien ne change, nous en parlons à l’église (voir Matthieu 18:15-17). Oui, mais que faire si l’église ne vous écoute pas? Ou pire, si elle cache les agissements du coupable pour que le monde extérieur ne voie pas ce qui s’est passé en ses murs? La Bible nous exhorte à confesser et à abandonner nos péchés, le cas échéant à réparer nos torts… sinon Dieu jugera et il commencera par sa Maison. Quand l’église n’applique pas la discipline biblique, difficile et humiliante certes (voir 1 Corinthiens 5 et 6), les histoires sombres finissent par être connues du monde extérieur qui, choqué et déçu par l’attitude de l’église face à ses propres erreurs, va la démolir encore plus et y croire encore moins.
Combien de situations faut-il encore que le corps de Christ traverse dans la souffrance, avant que nous osions confronter les cas d’abus, qu’ils soient spirituels, émotionnels, psychologiques ou sexuels? A quand une justice réparatrice appliquée dans nos assemblées? Que Dieu nous vienne en aide pour vivre d’une manière plus intègre, défendre les opprimés, réparer selon sa justice…parler avec vérité, en vue d’une repentance et d’une réconciliation. Dieu est bon, il pardonne, mais il ne tient pas le coupable pour innocent; il nous discipline par amour. Osons balayer devant notre propre porte…osons enlever la poutre qui est dans notre œil avant de voir la paille dans l’œil du voisin. C’est par la Maison de Dieu que commence le jugement. Notre justice doit être plus pure que celle appliquée dans le monde. Sinon, à quoi bon prétendre que nous somme différents?
Myriam Declair - Adapté de l’article paru dans le magazine Chaback de août 2008