Les rôles respectifs de la science et de la religion
Pour avoir la vision la plus juste (la plus proche possible de la réalité mais qui n’est pas LA réalité), il convient de comprendre dès le départ les rôles respectifs de la science et de la religion. Demander à la science de répondre à des questions qui ne sont pas de son domaine d’étude ne peut conduire qu’à l’incompréhension, à la frustration de chacune des parties (exemple: Dieu est-il l’auteur de la création?). Demander à la religion de répondre à certaines questions à la place des scientifiques n’est pas plus juste (exemple: Quel est l’âge des premiers hommes?). Lorsque votre voiture est en panne, demandez-vous conseil à votre médecin ou à votre garagiste?
Le mot «science» vient du latin «scientia», qui signifie «savoir». La science a pour objet l’étude des lois qui régissent les actions et interactions des individus, des organismes, de la matière… en somme de tout ce qui existe dans l’univers! La religion, quant à elle, est la doctrine et la pratique constituant le rapport de l’homme avec la divinité (au sens large). A partir des définitions de ces deux termes, il est aisé de comprendre que leur champ d’étude n’est pas le même. Pourtant le conflit actuel opposant trop souvent science et religion trouve ses racines dans le passé.
Les Grecs ont été les premiers à chercher à expliquer l’univers sans recourir à la magie ou à la superstition. Pour Aristote (né en 384 ans avant Jésus-Christ), l’univers était une sphère dont le centre fixe était la Terre. Il pensait aussi que l’univers était en mouvement grâce à un «moteur immobile» d’origine divine. L’Eglise catholique était opposée aux écrits d’Aristote: deux condamnations ecclésiales au treizième siècle en témoignent. Ces enseignements bousculaient, entre autres choses, l’enseignement universitaire de la création qui reposait sur un mélange de fables et d’enseignements bibliques. A cette époque, la religion apportait toutes les réponses en donnant une vision très simplifiée du monde qui nous entoure. A des questions complexes, elle avait le mérite d’apporter des réponses simples qui suffisaient aux besoins de la plupart des gens. L’enseignement était l’apanage de l’Eglise. Dès 1280, la séparation du raisonnement scientifique et de la théologie (autrement dit du savoir scientifique et du savoir révélé) a donné à la science plus de liberté. En 1543, Nicolas Copernic a attribué à la Terre un mouvement circulaire et permanent autour du Soleil. Martin Luther, s’appuyant sur les écrits bibliques, a désapprouvé cette thèse: «Ce fou va bouleverser l’astronomie. Mais, comme l’Esprit saint l’affirme, c’est au Soleil et non à la Terre que Josué a ordonné de s’arrêter.» La théorie héliocentrique de Nicolas Copernic «désacralisait» la place de l’homme dans la hiérarchie de la nature. L’homme n’était donc plus le centre de l’univers, la Terre n’était qu’une planète parmi les autres. Par la suite, la science a payé un lourd tribut à la religion et aux pouvoirs qui lui étaient associés pour sa quête de connaissance.
Le conflit actuel existant entre la religion et la science n’est qu’un faible reliquat de cette opposition ancienne qui existait entre une religion chrétienne souveraine et les savants qui étaient pour la plupart des érudits croyants. Cette incompréhension n’est, malheureusement, toujours pas éteinte. Malgré ce conflit sous-jacent à toute discussion entre chrétiens et scientifiques (imaginez la difficulté d’être chrétien sur son lieu de recherche… et un scientifique dans son église!), il existe actuellement un dialogue constructif entre certains chrétiens, philosophes et/ou scientifiques. Le culte de la raison trouve aujourd’hui ses limites, l’interprétation dogmatique de la Bible aussi; ce dialogue prend naissance aux limites de notre compréhension du visible et de l’invisible. Aujourd’hui, la science se pose des questions que seuls les théologiens se posaient auparavant (D’où vient l’univers? Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien?...). A 10–43 seconde après le big-bang, bloqués dans notre compréhension par le mur de Planck, quand la matière n’est plus (ou avant que la matière ne soit), il ne reste que les lois qui l’organisent et la question de leurs origines.
L@urent, prof de sciences