Mission en Chine: modernité et contradictions

Ma première rencontre avec la Chine remonte à l’été 1989, un mois après les événements de Tian an men. Nous étions venus pour transporter des bibles et les remettre à nos frères et sœurs en Chine qui en manquaient. A cette époque, à chaque traversée des frontières, nous nous faisions fouiller par les douaniers et confisquer les bibles que nous transportions. En 1990, lors de mon deuxième voyage, Dieu m’a appelé de façon claire. En 1991, notre famille avec quatre enfants a déménagé à Hong Kong, mettant toute sa confiance en Dieu. Nous y exerçons depuis notre ministère en Chine.

Dieu a touché des milliers de personnes de plusieurs nations à venir œuvrer avec nous parfois avec des équipes et parfois individuellement depuis que nous y sommes. Au fil des ans, nous sommes restés fidèles à notre mission d’origine, celle de servir ceux qui servent. Ceux qui œuvrent en Chine sont souvent isolés et n’ont accès qu’à très peu de ressources. Notre ministère a pu leur apporter fidèlement tant ces ressources qu’un soutien spirituel. Sous la direction et la protection du Saint-Esprit, nous avons livré des millions de pièces de littérature pour fortifier et développer l’Eglise de Chine. Notre plus grand projet a été de participer à la traduction, à la mise en pages et à la distribution de trois millions de bibles d’étude Fire Bible, données gratuitement aux responsables d’églises de maison. Nous avons enseigné et formé un très grand nombre d’entre eux ainsi que des étudiants de la communauté étrangère dans toutes les régions de la Chine.

Après avoir parcouru le pays d’une frontière à l’autre durant toutes ces années, nous avons dû évoluer avec la Chine qui se transforme constamment, afin de pouvoir plus efficacement accomplir la mission que Dieu nous a confiée. Ainsi, nous pouvons mieux comprendre les enjeux et souvent les contradictions de cette complexe et mystérieuse société.

La persécution

Avez-vous déjà eu peur au point de vous évanouir ou de faire dans vos culottes en raison de votre foi dans le Seigneur Jésus? Quelle question bizarre, me direz-vous. Pourtant tout récemment, dans une rencontre avec des chrétiens de minorités ethniques de la province musulmane de Xinjiang, des croyants nous partageaient leur hésitation à nous rencontrer parce qu’ils avaient peur des représailles de la part des autorités. Quelques mois auparavant, un groupe de chrétiens était réuni secrètement avec un pasteur étranger quand soudain des policiers de la sécurité nationale ont fait irruption. Certains participants se sont évanouis alors que d’autres ont fait dans leurs culottes.

Oui, ce genre d’événements arrive aujourd’hui en Chine. Vous, qu’auriez-vous fait? Comment les jugez-vous? Plusieurs personnes en Occident, qui voient les rapports télévisés de la modernisation foudroyante de la Chine, croient que les restrictions et les persécutions religieuses dans ce pays font partie du passé. Pourtant, nous lisions en 2011 le rapport de World Watch sur l’internet qui donnait la liste des pays où on continuait de persécuter les chrétiens. La Chine y figurait au seizième rang.

Ce rapport disait: «Malgré le fait que la Constitution chinoise dit garantir la liberté religieuse, le gouvernement tente systématiquement de contrôler toutes pratiques religieuses. Tous les groupes religieux doivent s’enregistrer ou bien être considérés illégaux. En 2011, un bon nombre d’églises et de chrétiens ont dû faire face à l’intimidation, alors que certains d’entre eux ont été arrêtés, emprisonnés et parfois battus.»

La réalité sur le terrain concernant la liberté religieuse est bien différente de l’image ouverte que la Chine fait voir au monde extérieur. En fait, un peu plus d’un an avant les Jeux olympiques de 2008 à Beijing (Pékin), un courant de restrictions visant l’obtention de visas pour les étrangers et plus tard de nouvelles règles imposées aux organisations à travers le pays ont forcé plusieurs ONG et plusieurs organismes de charité à quitter le pays.

Lors de notre dernier voyage en juillet dans la province de Xinjiang, nous n’avons pas pu nous procurer des billets de train et de bus sans présenter nos passeports. Les photocopies ne sont pas acceptées. Les Chinois doivent soumettre leur carte d’identité au scanner. Tous nos sacs étaient fouillés à l’entrée des stations et nous avons dû nous soumettre à des contrôles de passeports lors de contrôles routiers. Une chose est cependant certaine, celle que la puissance et le royaume de Dieu ne sont pas limités par cette réalité quotidienne en Chine. Par sa puissance, l’adversité se transforme en opportunité.

Dieu le Créateur est aussi innovateur

Nous avons observé ces dernières années quelques phénomènes nouveaux qui démontrent comment Dieu le Créateur dirige son Eglise à innover et à s’adapter à des circonstances changeantes. Le Seigneur continue de bâtir son Eglise et les portes du séjour des morts ne prévaudront pas contre elle.

Le premier phénomène est un grand mouvement missionnaire qui est en quelque sorte l’accomplissement d’une vision transmise à l’Eglise chinoise au cours des vingt dernières années: «Les chrétiens chinois propageront l’Evangile en suivant la route de la soie vers Jérusalem et ainsi compléteront la prédication de l’Evangile à toutes les nations.» Alors que plusieurs pays ferment leurs frontières à l’Eglise occidentale, les Chinois se lèvent et répondent à l’appel missionnaire avec une foi et une consécration hors du commun. Les églises de l’est du pays, plus matures, envoient des jeunes familles qui quittent tout et se relocalisent chez les Tibétains et les musulmans des provinces de l’ouest.

Le deuxième phénomène a pris naissance à travers les séismes et catastrophes naturelles des dernières années. Vous vous souvenez peut-être du 12 mai 2008, quand un séisme sans pareil a causé la mort d’au moins soixante-neuf mille personnes, dont beaucoup d’enfants pris sous les débris de leurs écoles; il a laissé cinq millions de sans-abri. Vous avez aussi dû entendre parler du second séisme dévastateur en 2010 dans le district de Yushu (province du Qinghai, région isolée et montagneuse), peuplée de fermiers et de bergers d’ethnie tibétaine. Le séisme a tué plus de mille personnes et laissé cent mille autres sans-abri.

Ces tragédies ont déclenché un nouveau mouvement. Des organisations de charité chinoises ont pris naissance. Les entreprises ont commencé à donner de grosses sommes d’argent et même les églises de maison se sont mobilisées. Non seulement elles ont donné financièrement, mais elles ont aussi envoyé des équipes de volontaires pour aider les victimes et pour la reconstruction. Cela a transformé les églises à œuvrer dans l’unité. Comme résultat, des dizaines de milliers de victimes, vivant dans des zones fortement contrôlées par les autorités et isolées, ont entendu l’Evangile et ont été touchées par l’amour de Jésus à travers son corps. Des centaines d’églises nouvelles ont été implantées.

Un autre phénomène est la naissance de ce que j’appelle «l’église urbaine». Celle-ci se différencie de l’église gouvernementale (Mouvement patriotique des trois autonomies) et de l’église de maison typique. Elle est composée d’hommes et de femmes d’affaires et d’universitaires très bien formés. Ils vivent une vie moderne, profitant de la nouvelle prospérité du pays. Sauvés dans ce contexte moderne, ils n’ont pas été influencés par les vieilles disputes issues de la révolution culturelle. Ils vont de l’avant et prennent avantage de la vision du gouvernement de Beijing (Pékin) de développer l’ouest de la Chine. Ils ont de l’argent et des ressources avec lesquelles ils contribuent à amener l’Evangile dans des zones qui étaient fermées et demeurent encore restreintes aux étrangers. Ils peuvent avoir des contacts avec les minorités linguistiques, puisqu’ils investissent et emploient des gens locaux et peuvent les évangéliser. Comme dans les grands mouvements missionnaires du passé, le commerce ouvre des percées pour que l’Evangile se propage.

L’heure de la technologie de l’information

La Chine est maintenant l’un des leaders dans la technologie de l’information. Dans la première moitié de 2012, la livraison totale de téléphones intelligents a déjà atteint 94.86 millions d’unités, ce qui représente 48,7% du marché mondial.

Bien que les réseaux sociaux Twitter et Facebook soient bloqués, la Chine a son propre site de réseau social appelé Weibo, qui a dépassé plus de 325 millions d’abonnés. Il y a plus de cent millions de messages postés chaque jour. Dieu ouvre encore un nouveau chemin vers les masses chinoises. Si nous voulons atteindre la jeune génération, il faut utiliser la créativité divine et prendre avantage de la technologie pour répandre l’Evangile plus rapidement.

En 2006, par un miracle de créativité surnaturelle, Dieu m’a conduit à développer un site de radio internet en langue ouïghoure et, en 2010, un site de ressources bibliques ouïghour en caractères arabes pour ce groupe ethnique musulman de la province de Xinjiang, dans le nord-ouest du pays. De plus, Dieu a pourvu financièrement et nous a conduits à acheter des appareils Mp3 en grande quantité que nous avons distribués aux responsables de groupes chinois, tibétains, kazakhs et kirghizes.

Devant chaque nouveau défi, Dieu donne l’inspiration et la créativité de saisir ces nouvelles opportunités. Oui, la Chine a beaucoup changé ces vingt dernières années. Les persécutions sont toujours là, le strict contrôle et les restrictions persistent, mais Dieu n’a jamais été et ne sera jamais limité par les frontières et les règles humaines. Il nous a commandé d’aller prêcher la bonne nouvelle de son Fils Jésus parmi toutes les nations, et aucun gouvernement dans l’histoire ne peut l’en empêcher.

«Cette bonne nouvelle du Royaume sera annoncée dans le monde entier pour que le témoignage en soit présenté à tous les peuples. Et alors viendra la fin.» (Matthieu 24:14)

Pour des raisons de sécurité, l’auteur préfère ne pas mentionner son nom, ni celui de l’organisation.