Jésus et son iPhone
«Tiens, regarde, c’est Jésus!» Il faisait la queue à un guichet de Media Markt® et nous, nous étions dans la file opposée. Me tournant vers mon ami, je lui raconte mon dernier contact avec cet homme que certains n’hésitent pas à qualifier de Messie.
«La dernière fois que je l’ai vu, c’était au Jardin anglais avec ses potes. Il paraît que c’est un vrai pro pour les questions spirituelles. Je m’étais approché du groupe qu’ils formaient. Lui, assis sur le dossier d’un banc, les pieds sur la banquette, et ses auditeurs assis par terre ou debout, faisant un cercle autour de lui. Ce jour-là, il parlait du patron du 8e. Apparemment ses potes savaient de quoi il retournait. A voix basse, j’ai abordé l’un d’eux qu’ils appellent Matt l’arnaque. Il avait une bonne bouille et il ne s’est pas fait prier: «Jésus a travaillé durant plusieurs années comme concepteur d’architecture informatique. D’ailleurs à cause de cela nous, nous l’appelons le Charpentier. Sa boîte avait sept étages et, pour parler à ses collègues de Dieu, il le nommait le Patron du 8e.» Ça lui ressemblait bien. Chaque fois que je l’ai entendu, il était d’un original impressionnant! D’ailleurs, dans les églises il n’était souvent pas compris. Tu te rends compte, parler du patron du 8e au lieu d’utiliser les termes religieux ronflants que les prêtres et les pasteurs adorent pour se donner de la contenance spirituelle!»
Comme la file n’avançait pas, j’ai continué à décrire à mon ami la suite de cette rencontre dans le parc.
«A part la question du 8e, il a fait une démo des plus convaincante pour apprendre à ses auditeurs comment faire réagir leurs amis à des questions spirituelles. Manifestement il connaissait Twitter, puisqu’il parlait de devenir l’un de ses «followers». Il était loin du charabia religieux pour initiés que les membres des communautés chrétiennes ont l’habitude d’utiliser dans leur conversation en ligne. Justement, il donnait quelques exemples tirés de certaines pages de Facebook tenues par des chrétiens. Du style «sa Parole est ma lumière depuis toute jeune...!» Je le comprends, comment une Parole, avec un grand P, peut servir de lumière? Et quelle parole? La parole, c’est pour parler, pas pour servir de lampe de chevet! Les gens ne savent pas que la Parole est un synonyme de Bible. Il rendait attentifs ses amis et ses followers aux changements culturels actuels. Il disait: «Dans le passé, les gens étaient catéchisés, donc ils comprenaient le vocabulaire usuel de l’église; mais aujourd’hui plus personne n’est mis au parfum des choses spirituelles, donc il faut trouver des illustrations et des concepts du monde d’aujourd’hui pour se faire comprendre.» Pour continuer, il a sorti de sa poche un iPhone. Le montrant à ses auditeurs, il les a incités à prendre le contenu de la Bible et à le mettre sur un téléphone.»
«C’est ça, l’avenir! Le support privilégié pour les gens ne sera plus le livre, même si des ouvrages vont encore être édités, mais ce sera le portable. Inutile donc de vous faire un croquis sur de si petits écrans, ce n'est pas aisé de lire un texte. Les images et le son vont prendre le relais. Nous entrons dans l’oralité électronique. Au lieu de dire: «Ta Parole est une lampe à mes pieds», nous dirons peut-être: «Ce que toi, Dieu, tu dis, c’est comme un iPhone dans ma poche.» Il vibre pour me rappeler que je devrais me mettre en ligne avec Dieu. Ou: «J’ai un GPS pour me guider spirituellement parlant.» Il a conclu son intervention en disant: «Mais n’oubliez pas: oralité ou écriture, ce qui compte, c’est la mise en pratique. Tout ce que tu n’arrives pas à mettre en pratique est superflu. Ne twitte pas sur Twitter, ne face pas sur le Book, ne flickre par Flickr si le lundi matin au boulot, tu dis merde à ton éthique et à tes convictions.»
Henri Bacher - www.allobible.mobi - http://twitter.com/Allobible