Interview d’Alain Auderset
Il nous était impossible, dans ce numéro, de ne pas parler d'Alain Auderset. auteur chrétien de BD bien connu en Suisse, il vient de terminer son deuxième album, Marcel. Alain nous raconte son parcours, ses peurs, ses combats et ses victoires dans l'univers impitoyable qu'est celui de la bande dessinée. Et ce n'est pas tout, au travers des lignes qui suivent tu découvriras également ses projets d'avenir ainsi que ses conseils face au choix d'albums proposés en librairie. Laissons-lui donc la place.
Chaback : Parle-nous de ton parcours au sein du monde de la BD?
Alain Auderset : J'ai commencé il y a neuf ans par l'école d'art, puis j'ai pratiqué divers petits boulots me permettant de faire vivre ma famille tout en me consacrant au dessin à 100%. Je n'ai fait que dessiner, travailler, améliorer, pour sortir Idées reçues, en septembre 2001.
Ch.: Quelle était ta motivation pour tenir si longtemps?
A.A,: J'ai toujours eu le même but dans ma vie, gagner des âmes à Jésus-Christ. La BD est un mode d'expression très difficile. Il ne suffit pas de savoir bien dessiner, il faut savoir encaisser, essuyer beaucoup de refus, savoir recommencer. Il est important d'avoir de la volonté car on passe aussi par des temps d'humiliation et de disette. Si je n'étais pas chrétien, au vu de ma situation actuelle, j'aurais probablement abandonné.
Ch.: Comment t'en sors-tu?
A.A,: Je suis un touche à tout; scénariste, auteur, éditeur et dessinateur. J'ai des bases d'expression théâtrale amateur et de commerce ce qui m'aide à garder les pieds sur terre. C'est précieux face aux divers problèmes que l'on peut rencontrer comme la gestion des stocks par exemple.¨
Ch.: Est-il facile de percer?
A.A,: Pour sortir un album tu dois commencer avec un produit qui est déjà excellent. Ce qui n'était pas le cas avec Hergé (Tintin) par exemple. Il est arrivé dans une maison d'édition avec ses essais et on lui a laissé l'opportunité de développer son style. S'il était arrivé de la même manière aujourd'hui, personne ne lui aurait laissé la place. Je pense qu'il faut compter dix ans de travail à plein temps pour sortir sa première BD. Mais l'avantage en tant qu'auteur/éditeur, est de choisir quand mon produit est bon pour la diffusion.
Ch.: Comment réagissent les gens face au message chrétien?
A.A,: D'abord je n'ai pas honte de l'Evangile. Dans mes débuts j'ai eu peur face aux journalistes, pensant qu'ils allaient me détruire, ce qui n'est pas arrivé. Je le dois certainement aux nombreuses prières de ceux qui m'entourent. Je précise cela car beaucoup de chrétiens pensent que l'évangile n'intéresse pas les gens, mais c'est faux. Mes BD sont humoristiques et le message passe mieux. L'humour fait tomber bien des clichés. Il n'y a pas d'idées préconçues face à ce média. N'oublions pas que c'est un des plus anciens moyen d'expression qui soit. On se souvient tous des peintures rupestres, hiéroglyphes ou des vitraux d'églises permettant aux fidèles de suivre et de comprendre l'évangile.
Ch.: Quel bilan pour Idées reçues?
A.A,: C'est un succès inégalé en Suisse dans le secteur de l'auto-édition. Ce fut un gros travail car aucun éditeur ne voulait de cet album. Mon travail n'est pas dans la "mode" des produits actuels, il y a donc un risque que les éditeurs n'ont pas voulu prendre. A cause de son succès (11'000 albums vendus), j'ai acquis un peu de respect, ce qui m'a permis de signer avec la maison de distribution OLF. Grâce à eux, ma prochaine BD, Marcel, se trouvera dans la plupart des grandes surfaces de Suisse dès octobre 2003.
Ch.: Marcel?
A.A,: C'est le personnage principal de mon nouvel album. Tout comme nous, il se pose beaucoup de questions sur la vie. C'est un album humoristique et pour la première fois, en couleur. De plus, vous pourrez suivre les aventures de Marcel dans d'autres tomes sur lesquels je suis déjà en travail.
Ch.: As-tu un conseil à donner aux lecteurs de Chaback face aux choix que proposent les librairies?
A.A,: Poses-toi les questions suivantes: Comment te sens-tu face à cette BD, qu'y cherches-tu? Quel est ton but au travers de sa lecture et quelles peuvent en être les conséquences? Cet album pourrait-il t'éloigner de Dieu? Chacun doit se positionner face à ce qui lui est présenté, je ne veux pas dire "tu dois / tu ne dois pas". Il faut que chacun fasse preuve de maturité. Ce qui est bon pour moi ne l'est pas forcément pour un autre.
Yann Roulet